Implants cochléaires Neurelec : information judiciaire
11 mai 2015 -
Santé
La biocompatibilité de l’implant Digisonic SP de Neurelec mise en cause ?
Sur des motifs de « tromperie aggravée » et de « mise sur le marché de dispositifs médicaux dépourvus de marquage CE », la justice soupçonne Neurelec d’avoir vendu des implants cochléaires dont les matériaux – la céramique et les fils de platine – n’auraient pas passé tous les tests de biocompatibilité.
L’implant cochléaire Digisonic SP
Une information judiciaire a été ouverte le 27 décembre 2011 par le parquet de Marseille sur les activités de la société d’implants cochléaires française Neurelec. Ouverte contre X, cette information judiciaire vise à établir si la société Neurelec a vendu des implants cochléaires dont les matériaux, et notamment la céramique, n’auraient pas passé tous les tests de biocompatibilité. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a inspecté les laboratoires de la société, mais n’a pas jugé nécessaire de lancer une mesure d’urgence, procédure qui est habituellement mise en place en cas de danger imminent pour la santé et n’a pas saisi les implants.
Assurant que l’implant cochléaire incriminé et commercialisé depuis 1992 est certifié entre autres par le LNE (le Laboratoire national de métrologie et d’essais – qui certifie à partir d’éléments que lui communique le fabricant), il précise dans un courrier adressé à ses clients que « tous les matériaux utilisés pour leur fabrication sont biocompatibles ». La lettre relève entre autres : « Dans le contexte actuel de sensibilité sur la sécurité des dispositifs médicaux, nous voulons avant tout rassurer nos patients, qui nous font confiance depuis vingt ans, sur le fait que la qualité et la biocompatibilité de nos produits, reconnues de longue date, ne sont pas remises en cause. Nous démontrerons auprès des autorités compétentes, preuves à l’appui, l’absence de fondement de cet avatar. »
Règlement de comptes ?
Et dans son courrier adressé aux professionnels, le P.-d.g. de Neurelec tient à mettre cette affaire en perspective. Retour fin 2006. À l’époque, la société américaine Otologics tente de racheter Neurelec pour investir le secteur des implants cochléaires, sans succès. S’en suit alors une rocambolesque histoire d’espionnage industriel impliquant d’ex-cadres de Neurelec ayant été engagés par la suite par la société Otologics. Le P.-d.g. de Neurelec commente dans son courrier : « Depuis 2008, nous subissons une campagne de dénigrements mensongers mettant en cause notre éthique ainsi que la qualité de nos produits. Cette campagne est orchestrée par d’anciens cadres dirigeants qui ont été condamnés en 2011 aux USA pour conspiration et espionnage industriel. » Cédric Briand précise : « Un groupe de sept anciens salariés a mené des actions illégales en 2007 et 2008 pour le compte d’une société américaine qui souhaitait entrer sur le marché de l’implant cochléaire. Une enquête a été faite, pendant que ces cadres étaient chez nous, après leur départ et après leur titularisation au sein de cette entreprise. Il a été établi par la Gendarmerie qu’ils ont agi de manière illégale. Nous avons alors livré une longue bataille judiciaire puisque nous les avons poursuivis à travers la société, aux États-Unis et plus exactement devant la cour de Denver. » L’instruction a révélé que des cadres se connectaient tôt le matin aux boîtes de messagerie de Neurelec ou tard le soir afin de dérober des documents stratégiques, commerciaux ou confidentiels pour le compte d’Otologics qui leur a proposé des postes au sein de l’entreprise. Il a été établi que des emails ont été volés plus de 1 200 fois en cinq mois. Bobbee Musgrave et Larry Theis, partenaires du cabinet Holme Roberts & Owen LLP et qui représentaient Neurelec lors du procès, déclaraient dans la presse américaine : « D’habitude, nous disposons de trois ou quatre preuves lors d’un procès. Dans cette affaire, il y avait plus de cinquante emails et enregistrements à charge versés au dossier. »
5,9 millions de dollars de dommages et intérêts
Ce procès, la société Neurelec l’a gagné le 23 février 2011 devant un jury populaire. La décision a été confirmée par le juge Brian Whitney. Cette sentence condamne la société Otologics à verser à Neurelec 5,9 millions de dollars de dommages et intérêts pour conspiration et espionnage industriel. Pour Cédric Briand, nul doute possible comme il l’explique dans sa lettre adressée aux professionnels : « En réaction, certains de ces anciens salariés continuent sans interruption de diffuser des informations mensongères à notre égard. Ces actions ont débouché sur diverses investigations et inspections. Plus globalement, je crois qu’il faut prendre un peu de distance par rapport à tout cela. Aujourd’hui, la presse et la justice se lancent dans une bataille à l’encontre des dispositifs médicaux. » Il y aura vraisemblablement des refontes de la réglementation autour de tout cela, et d’ailleurs, Xavier Bertrand en a émis le souhait. J’ai le sentiment que nous sommes instrumentalisés dans tout cela. Et de souligner : « S’il y avait eu des problèmes avec le Digisonic SP, l’Afssaps aurait fermé la boutique, les professionnels se seraient rendu compte de quelque chose ! Il faut désormais donner le temps à l’Afssaps de rendre son rapport et laisser le parquet faire son travail ! »
Quatre entreprises se disputent à l’heure actuelle ce marché très confidentiel : l’australien Cochlear, l’autrichien Vibrant Medel, la société Advanced Bionics (Sonova) et le français Neurelec, installé à Vallauris dans le Sud de la France et qui vend entre 1 500 à 2 000 implants par an.